Réserve Utile et Déficit d’Évaporation

Description générale

La réserve utile (RU exprimée mm) est un indice issu du calcul du bilan hydrique des sols qui représente la quantité d’eau disponible pour les plantes pour une période donnée (Thornthwaite, 1955). Elle est principalement dépendante des apports en précipitations, de la capacité du sol à stocker l’eau, du couvert végétal et de l’évaporation du sol. Cette quantité d’eau disponible pour les plantes évolue au cours de l’année en fonction des apports et des départs en eau, dans la limite de la réserve utile maximale du sol (RUM), qui représente la quantité maximale d’eau qu’une plante peut extraire d’un sol donné. La Réserve utile a été calculée mensuellement pour les valeurs moyennes de la période 1961-1990 grâce à la formule de Thornthwaite (Thornthwaite and Mather, 1955). Le déficit d’évaporation (DE) représente la quantité d’eau manquante dans le sol pour satisfaire les conditions d’évaporation et de transpiration. Il a été calculé par la différence entre l’ETP (évaporation et transpiration potentielle, sans restriction d’alimentation en eau) et l’ETR (évaporation et transpiration réelle, calculée en fonction de la RU disponible). C’est un indice de stress hydrique.

Le calcul de la RU et du DE nécessitent de combiner pour chaque mois des données de températures et de rayonnement solaire afin de calculer des ETP avec la formule de Turc (Turc, 1961), ainsi que des précipitations et des valeurs de réserve en eau maximale des sols afin d’estimer le stock d’eau disponible. Les modèles de ces différentes données ont été élaborés au sein de l’UMR SILVA selon une méthodologie propre à chacune d’entre elles (Bertrand et al, 2011, Piedallu et al, 2007, 2011, 2013). Les modèles climatiques (pluie, température, rayonnement solaire) ont pour caractéristique d’essayer de prendre en compte au mieux les effets topographiques, y compris locaux. Le modèle de RUM intègre la profondeur du sol, la texture, et la charge en cailloux. Des cartes ont été produites pour chacune des variables à l’aide de ces modèles, au pas de 50 mètres pour les températures et le rayonnement solaire, au pas de 500 m pour les RUM et au pas du kilomètre pour les précipitations. Les bilans en eau ont été calculés au pas de 50m, puis les valeurs ont été agrégées au pas kilométrique. Les valeurs fournies correspondent aux moyennes mensuelles pour une saison ou l’année entière, calculées pour la période 1961-1990.

Principales limites d’utilisation

Le bilan en eau des sols est complexe à calculer et le modèle mis en œuvre pour la réalisation des cartes est une version très simplifiée. Les données de climat utilisées correspondent à celles observées au sommet de la canopée. La profondeur d’enracinement, les flux latéraux en eau, l’interception du couvert végétal ou les effets liés à la neige ne sont pas pris en compte bien que leur effet puisse être important. De même, l’approche mensuelle et la prise en compte de la RUM dans le premier mètre de sol uniquement, constituent des limites certaines.

Les données mises à disposition ont été calculées à l’aide de modèles présentant des imprécisions non homogènes dans l’espace. Il n’est pas possible de valider les réserves utiles, faute de mesures indépendantes. Par contre, chacune des composantes du modèle de bilan hydrique ont été validées séparément avec un jeu de données spécifiques, permettant de déterminer la qualité des prédictions à l’échelle de la France. On obtient pour les précipitations annuelles un R² de 0,78 sur la donnée annuelle avec une RMSE de 136 mm (pour des valeurs moyennes de la période 1996-2007, variant principalement entre 300 et 2400 mm, mesurées sur 471 postes). Le moins bon modèle est obtenu en décembre (R² = 0,66) et le meilleur en juillet (R² = 0,85). Une validation sur 88 postes avec des mesures de Météo-France donne pour le rayonnement solaire annuel un R² de 0,82 avec une RMSE de 227 MJ/m² (pour une donnée variant principalement entre 2500 et 6800 MJ/m²). Les meilleures prédictions sont obtenues en hiver (R² = 0,89 pour janvier et décembre), les valeurs les plus faibles étant obtenues en été. On a ainsi un R² de 0,82 pour mars, de 0,62 pour juin, et 0,73 pour septembre. Pour les températures, une validation du modèle a été faite pour la période 1996-2007 à partir de mesures sur 493 postes, on obtient un R² de 0,93 sur la donnée annuelle avec une RMSE de 0,54°C (pour des valeurs variant principalement entre -10 et + 16°C). Le moins bon modèle est obtenu en juin (R² = 0,91) et le meilleur en mars (R² = 0,94). Les RUM sont plus difficiles à valider (R² obtenu = 0,35, RMSE = 33,9 mm pour une RUM estimée sur le premier mètre de sol, variant entre 0 et 150 mm) du fait de la forte hétérogénéité locale au sein d’un même pixel, mais aussi à cause de leur estimation qui est probablement soumise à des imprécisions nettement plus importantes que pour les variables climatiques qui sont plus faciles à mesurer.

La pertinence de ces données a été évaluée à l’échelle de la France, mais reste peu connue à des échelles plus fines, et n’a pas été déterminée hors forêt où elle est probablement moins bonne du fait de l’éloignement des points de mesure et des différences de sol. Il est possible que localement, les valeurs ne soient pas cohérentes avec la réalité, particulièrement du fait des RUM qui peuvent fortement varier localement. Pour une utilisation opérationnelle, il est ainsi recommandé de vérifier la cohérence locale des données sur le terrain.

 

Les références bibliographiques

Bertrand, R., Lenoir, J., Piedallu, C., Riofrio-Dillon, G., de Ruffray, P., Vidal, C., Pierrat, J.C., Gegout, J.C., 2011. Changes in plant community composition lag behind climate warming in lowland forests. Nature 479, 517-520.

Lebourgeois F., Piedallu C., 2005. Appréhender le niveau de sécheresse dans le cadre des études stationnelles et de la gestion forestière? Notion d’indices bioclimatiques, méthode d’estimation de l’évapotranspiration potentielle. Revue forestière Française LVII, volume 4/2005, p331-356.

Piedallu, C., Gegout, J., 2008. Efficient assessment of topographic solar radiation to improve plant distribution models. Agricultural and Forest Meteorology 148, 1696-1706.

Piedallu, C., Gégout, J.C., 2007. Multiscale computation of solar radiation for predictive vegetation modelling. Ann. For. Sci. 64, 899-909.

Piedallu, C., Gégout, J.C., Bruand, A., Seynave, I., 2011. Mapping soil water holding capacity over large areas to predict potential production of forest stands. Geoderma 160, 355-366.

Piedallu, C., Gegout, J.C., Perez, V., Lebourgeois, F., 2013. Soil water balance performs better than climatic water variables in tree species distribution modelling. Global Ecology and Biogeography 22, 470-482.

Thornthwaite, C. W. and J. R. Mather, 1955. The water balance. Publication in Climatology. n°8.

Turc, L., 1955. Le bilan d’eau des sols : relations entre les précipitations l’évaporation et l’écoulement. Annales Agronomiques 6, 1-131.