Description générale
La productivité potentielle de deux essences communes en France, l’épicéa commun et le hêtre, a été étudiée afin de déterminer le plus précisément possible les zones les plus favorables à leur production. Ces cartes issues de modèles statistiques fournissent des indices de fertilité c’est-à-dire une hauteur dominante, en mètre, atteinte à un âge de référence (100 ans pour le hêtre et 70 ans pour l’épicéa commun) en peuplement pur et régulier sur leur aire de répartition, dans l’est de la France pour l’épicéa et en France métropolitaine pour le hêtre. Ces indices de fertilités, estimés à partir des variables écologiques caractérisant le climat, l’alimentation en eau, et la nutrition des sols, constituent un indicateur de la productivité potentielle.
Les relations entre l’indice de fertilité, les variables environnementales et la végétation ont été étudiées pour l’épicéa commun (Picea abies (L.) Karst.) dans l’est de la France et pour le hêtre (Fagus sykvatica L.) sur l’ensemble du territoire métropolitain. L’analyse s’appuie sur des placettes issues de la base de données de l’inventaire forestier de l’IGN (2087 pour l’épicéa et 819 pour le hêtre). Les données dendrométriques disponibles sur chaque placette permettent de calculer l’indice de fertilité à partir de l’âge et de la hauteur dominante en appliquant un modèle de croissance en hauteur dominante. Par ailleurs, les données écologiques mesurées sur chaque placette décrivent la topographie, le sol, la géologie et la végétation. Des données complémentaires ont été calculées par deux méthodes : des variables climatiques calculées à partir du modèle climatique établi par Météo-France (AURHELY), des variables trophiques estimées à partir du relevé floristique et des valeurs indicatrices des espèces. L’équation de prédiction de l’indice de fertilité en fonction des variables environnementales a été déterminée par la méthode de la régression linéaire multiple.
Ces équations ont ensuite été appliquées pour prédire la productivité potentielle des 2 essences sur les près de 100000 placettes IFN. Une méthode de krigeage a ensuite été utilisée pour interpoler les indices de fertilité prédits sur chaque placette en se limitant à la zone où la fréquence de l’essence est supérieure à 10%. Enfin, la performance des prédictions issues de la carte a été évaluée grâce à un jeu de données indépendant.
Principales limites d’utilisation
Les cartes réalisées identifient les zones les plus productives pour chacune des 2 essences, au regard des variables écologiques utilisées dans les modèles. Les équations de prédiction établies expliquent 55% de la variance de l’indice de fertilité pour l’épicéa et 59% pour le hêtre. Ces performances sont tout à fait similaires à celles obtenues dans les analyses des relations station production réalisées habituellement sur des régions plus restreintes et à partir de jeux de données spécifiques. Pour le hêtre, la performance de prédiction de la carte a été évaluée à partir d’un jeu de données indépendant constitué de 755 placettes IFN (Seynave et al. 2005) : l’erreur quadratique moyenne obtenue est de 4.3m, ce qui est à peine plus que l’erreur résiduelle de l’équation de prédiction (4.1m). De plus, les réponses observées sont cohérentes avec les connaissances sur le comportement des essences étudiées.
Cependant, les cartes réalisées sont issues de modèles n’intégrant qu’un nombre limité de variables, et dont la qualité peut être affectée i) par des erreurs dans le jeu de données, ii) par des imprécisions dans la caractérisation des facteurs écologiques utilisés, iii) par des confusions engendrées par le processus de modélisation, iv) par la résolution spatiale des cartes résultantes qui ne permettent pas de prendre en compte des variations locales. De plus les données IFN utilisées ont été collectées entre la fin des années 1980 et le début des années 2000 et les données AURHELY utilisées sont les normales établies pour la période 1961-1990. Ces données intègrent donc une partie des changements environnementaux en cours et les changements de productivité observées qui en résultent mais de façon implicite et ne tiennent pas compte des changements de productivité observées depuis le début des années 2000.
Aussi, les prédictions réalisées peuvent être localement fausses, particulièrement lors d’études sur des emprises de petite taille. De ce fait, il est globalement déconseillé d’utiliser ces données pour des études très locales, d’autres sources pouvant être utilisées. D’autre part, les informations hors forêt sont extrapolées à partir des relevés réalisés en milieu forestier, et sont susceptibles d’être erronées. Une bonne connaissance des méthodes, des domaines de validité et des limites d’utilisation est nécessaire pour une utilisation opérationnelle.
Les références bibliographiques
Seynave I, Gégout JC, Hervé JC, Dhôte JF, Drapier J, Bruno E, Dumé G. 2004. Étude des potentialités forestières pour l’Épicéa commun dans l’Est de la France à partir des données de l’IFN. Revue Forestière Française, LVI (6) : 537-550
Seynave I, Gégout JC, Hervé JC, Dhôte JF, Drapier J, Bruno E, Dumé G. 2005. Picea abies site index prediction by environmental factors and understorey vegetation: a two-scale approach based on survey databases.. Canadian Journal of Forets Research, 35 : 1669-1678. doi: 10.1139/X05-088
Seynave I, Gégout JC, Hervé JC, Dhôte JF. 2008. Is the spatial distribution of European beech (Fagus sylvatica L.) limited by its potential height growth?. Journal of Biogeography, 35 : 1851-1862. doi: 10.1111/j.1365-2699.2008.01930.x